Créer des pièces de mobilier élaborées et produites en Wallonie : un pari relevé (et réussi) par le duo liégeois à l’origine du label Bandi.

PAR MARIE HONNAY. PHOTOS D.R. | 

Bandi, c’est une histoire de famille. Celle de deux cousins, Olivier Collette et Thomas Crucifix, aux profils complémentaires. Le premier est architecte. L’autre formé pour développer des idées marketing de choc et les commercialiser. Ensemble, ils ont lancé Bandi, un label centré sur un monoproduit : une table et un banc en aluminium, conçus pour une utilisation en intérieur et en extérieur, entièrement produits en Wallonie et distribués en circuit court. Rencontre à Liège, là où tout a commencé, avec Thomas, celui dans la tête de qui l’aventure Bandi a germé en premier.

Comme cette aventure est-elle née ?

Nous ne sommes ni l’un ni l’autre des designers. À l’origine, j’ai dessiné ce simple banc pour moi, à l’instinct, pour répondre à un réel besoin. Je ne trouvais pas ce que je voulais sur le marché. En tout cas pas à un prix qui me convenait. Lorsque j’ai eu l’idée de le commercialiser, on m’a conseillé d’ajouter une table. Et quand il a fallu plancher sur des solutions techniques pour produire ces deux pièces à plus grande échelle à des coûts acceptables, Olivier est intervenu. Il m’a aidé à affiner le produit, à corriger certaines lignes pour améliorer l’esthétique et réduire les coûts de fabrication. 

 

Pourquoi vous êtes-vous lancés ce défi du “made in Wallonie” ?

D’abord par conviction. Parce que j’en avais marre du pessimisme wallon, des gens qui se plaignent de la concurrence chinoise sans réagir ou qui se lamentent sur la fin de la sidérurgie wallonne. Avec Bandi, nous avons opté pour l’action. En Wallonie, dans le  secteur du design, il y a beaucoup de petits artisans de talent, mais peu de marques.
Et parmi celles qui existent, la majorité se contentent de finaliser leur produit en Wallonie. Le reste est fait ailleurs. D’où notre volonté de créer un label 100 % wallon avec de vraies ambitions à l’international. En 2017, nous avons vendu 50 ensembles (table et bancs). Nous pensons doubler ce chiffre en 2018. 

Vous dites dans votre communication avoir voulu créer un produit “convivial”. Au-delà du message marketing, qu’entendez-vous par là ?

À mon sens, un beau design est de l’ordre de l’émotion. Comme je l’ai dit, le banc était, à l’origine, destiné à s’intégrer dans mon habitation. Ma maison, je l’ai conçue comme une grande salle des fêtes (il rit). Un lieu où l’on peut improviser un dîner à dix personnes autour d’une bouteille de vin et d’un plat de pâtes… 

 

Le mobilier Bandi est conçu tant pour l’intérieur que pour l’extérieur. Quel créneau fonctionne le mieux ?

Le marché du jardin constitue 65 % de nos ventes, mais nous avons également placé la table dans des bureaux d’architecture, des habitations. D’emblée, je n’ai pas voulu me cantonner à un créneau que je savais trop “niche”. Bandi est un produit qui peut se vendre toute l’année. La table est disponible dans huit couleurs et bien plus sur demande.

La personnalisation, c’est aussi un concept marketing très vendeur ?

Oui, mais là encore, ce choix cadre avec la philosophie de Bandi. Nous avons opté pour une politique tarifaire archi-transparente. Tous nos prix figurent sur notre site. Peu d’acteurs du secteur peuvent en dire autant. Lorsque la couleur choisie par le client est disponible chez le fabricant, nous la proposons à nos clients sans supplément. Voir notre table déclinée en orange ou en fuchsia nous amuse beaucoup. Et c’est évidemment une excellente vitrine. 

 

Vers quel type de partenaires wallons vous êtes-vous tournés pour la production ?

Nous travaillons avec trois sous-traitants : RG Georis, à Romsée, près de Liège, pour la matière première. Cette société qui nous livre les kits en aluminium travaille pour des designers connus comme Xavier Lust. Les kits sont ensuite envoyés chez Prosoudure à Seraing avant d’être microsablés et poudrés chez Fréderic Walhin à Ouffet. Depuis le lancement de Bandi, deux ouvriers ont pu être engagés par ces sociétés pour assurer la production de notre mobilier. Cette dynamique cadre avec notre philosophie.

On critique beaucoup la fast fashion. Pensez-vous que ce genre de préoccupations agite aussi le secteur du mobilier ?

Nos clients sont en tout cas très sensibles à l’aspect local de la production. Sans avoir vraiment établi de statistiques précises à ce niveau, je dirais que cette notion intervient à 50 % dans la décision d’achat. Les gens veulent des produits durables à prix juste. Pour une marque comme la nôtre, ça passe par une réflexion globale. Lorsque nous avons envisagé d’exporter le concept en Afrique du Sud, nous nous sommes rendu compte que là-bas, les coûts de production étaient plus élevés que chez nous. Preuve qu’on peut faire de belles choses à prix maîtrisés en Wallonie. 

 

Le circuit court et la vente sans intermédiaire, c’est une nouvelle piste pour le secteur du design ?

Compte tenu de notre politique tarifaire, c’était une obligation. Passer par des distributeurs nous obligerait à majorer nos prix de 30 %. Nous travaillons donc avec des prescripteurs (des architectes principalement) et des partenaires locaux, qui présentent notre mobilier et nous offrent une visibilité directe. Nous aimons d’ailleurs dire que nous avons remplacé le concept de “point de vente“ par celui de “point de vue“. Il est nécessaire que les clients puissent voir et toucher le produit avant de se décider. Et ce, dans un rayon de 50 kilomètres autour de leur lieu d’habitation.

Votre idée est-elle de rester sur un concept de monoproduit ?

Pour l’instant, oui. Nous avons lancé la marque, il y a un an et demi. Il faut nous laisser le temps de l’asseoir. Prenez une société comme Fatboy, par exemple. Ils ont démarré avec un produit fort : le pouf. Puis, dans un second temps, ils ont lancé des produits annexes. Nous planchons actuellement sur la déclinaison de la table en version basse et haute, mais rien ne sera lancé avant 2019. 

 

Peut-on vous appeler les ”bandits” wallons du design ?

Ce qui est certain, c’est que nous voulons casser les codes et proposer une autre approche du design. Au moment de son lancement, pour faire le buzz autour du produit, nous avions organisé un barbecue clandestin devant la gare de Liège en collaboration avec Tole, une autre marque wallonne spécialisée dans le brasero en acier Corten. La police nous a délogés au bout de six secondes (il rit), mais l’intention était claire : véhiculer un message fun, local et décomplexé.